Né en 1947 Jirô Taniguchi commence sa carrière de dessinateur dans les années 70. Récits historiques (Le temps de Botchan), d’aventure, « hard-boiled » (Trouble is my business) alternent la première partie de son œuvre, ou il est associé avec différents scénaristes. Au début des années 90 il explore une veine intimiste ou les souvenirs d’enfance, les émotions sont magnifiées par une approche sensible du quotidien. Une sensibilité que l’on retrouve dans ses récits animaliers (Blanco, Séton) qui explorent la relation complexe de l’homme dans son environnement. Révélé au grand public suite aux prix récoltés au festival d’Angoulême en 2003 pour Quartier lointain (meilleur scenario) et en 2005 pour Le sommet des dieux (meilleur dessin), Jirô Taniguchi est l’auteur d’une œuvre majeure qui renferme quelques pépites à croquer sans plus attendre.
Casterman
Collection « Sakka »
4 des 6 nouvelles qui composent ce recueil se passent dans les grands espaces sauvages et narrent la confrontation de l’homme avec Dame Nature et ses illustres habitants. Egarés dans une nature hostile à celui qui ne la comprend pas, d’ambitieux et inconscients chercheurs d’or ne doivent leur survie qu’à la présence d’un autochtone indien dont la descendance vit dans ces lieux depuis des générations .Taniguchi met en scène un monde en train de disparaitre, celui des peuples ancestraux qui vivent humblement dans le respect de la terre, thème également central dans Sky Hawk. L’homme moderne et son insatiable avidité chassera bientôt ce monde ancien et sa sagesse immémoriale. Ours, loups, baleines sont ici présents pour nous rappeler que nous vivons tous sur la même terre et que c’est dans le respect de celle-ci que se trouve notre salut. La nouvelle Kaïyose-Jima l’île ou accostent les coquillages explore les souvenirs d’enfance et la trace indélébile qu’ils laissent en nous. Les appartement Shôkarô diffuse l’atmosphère surannée d’une ancienne habitation de Tokyo « la maison des fleurs de pain » ou les locataires vivent dans une étonnante proximité et paradoxalement, dans une étrange solitude. Taniguchi n’a besoin que de quelques pages pour nous faire ressentir l’esprit des lieux.
Casterman
Collection « Sakka »
A l’époque de la ruée vers l’Ouest des japonais ont migrés vers les Etats-Unis. A partir de ce fait réel Taniguchi met en place une dramaturgie implacable au service d’un western hors du commun qui voit le rapprochement de deux codes de conduite : celui des samouraïs et celui des Indiens. La précision dans les détails nous immerge totalement dans cette histoire dense et trépidante qui voit Manzô et Hikosaburô rejoindre le grand chef Crazy Horse dans la lutte de son peuple pour la protection de leur terre sacrée des Black Hills. Ils deviendront Sky Hawk, Faucon céleste et Winds Wolf, Loup des vents. Comme dans L’homme de la Toundra, les mêmes thématiques hantent ce récit envoutant : l’homme blanc et son ambition de maitriser toute chose en ce monde, le respect de la parole donnée, la défense d’une culture et de ses traditions. Les scènes de batailles sont d’une saisissante cruauté et l’approche ultra réaliste de Taniguchi confère un caractère d’extrême urgence à la guerre que mènent les indiens pour la sauvegarde de leur identité. La victoire de Crazy Horse et des siens à Little Big Horn le 25 juin 1876, est en quelque sorte l’ultime bataille d’un peuple libre et insoumis. Traqués, affamés ils finiront par céder et seront parqués dans des « réserves ». Crazy Horse : « Où que nous allions, ils viennent nous tuer. Pourtant nous ne faisons que vivre dans notre pays… Aucune des promesses qui nos ont été faites n’a été tenue.» Faucon céleste et Loup des vents s’évanouiront dans les espaces du Grand Nord…
Casterman
Collection « Ecritures »
Jiro Taniguchi : « Je me suis demandé si, quelque part dans la vie trépidante et quotidienne du Japon, il n’existait pas quelque chose de précieux qui nous aurait échappé ou que nous aurions oublié. Et je me suis mis à marcher lentement à sa recherche… C’est ainsi qu’est né L’homme qui marche ».
Et Taniguchi à trouvé ce qui nous échappe : vivre pleinement l’instant présent. L’homme qui marche propose une succession de sensations vécues par notre promeneur sans nom, un monsieur-tout-le-monde. Chaque titre de chapitre introduit un moment d’extase quotidienne : observer les oiseaux, tombe la neige, grimper à l’arbre, la nuit étoilée… La beauté est partout pour celui qui prend le temps d’observer, qui sait se rendre disponible au monde qui l’entoure. Les déambulations de cet homme témoignent d’un profond respect pour la terre qui nous héberge, à l’image de ce coquillage trouvé dans son jardin et rendu à la mer lors d’une balade côtière. C’est un récit qui se lit quasi uniquement sur sa narration visuelle. Taniguchi s’applique à nous faire ressentir intimement les émotions du personnage dont tous les sens sont en éveil. Il nous invite à prendre le temps de regarder chaque case, de faire une pause avec son promeneur. Cet homme qui marche est un être apaisé, en paix avec lui-même. Un récit d’une simplicité confondante qui confine à l’essentiel.
Le gourmet solitaire et Furari s’inscrivent dans cette même harmonie.
Quelques pépites supplémentaires :
« Seton, le naturaliste qui voyage »
Taniguchi et Imaizumi
Editions Kana
Collection « Made In »
Furari
Editions Casterman
Collection « Ecritures »
Le sauveteur
Editions Casterman
Collection « Sakka »
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