Festival Les Georges 2015
Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | Samedi
Jeudi
Ayant le nocturne ce jeudi au magasin je ne peux malheureusement assister aux concerts de Sacha, l’homme-orchestre aux mille talents, déguisé en tigre devant la bute ni à celui de Peter Kernel. J’arrive donc juste pour le début de Chapelier Fou, dont on m’a dit le plus grand bien. Entouré de trois acolytes, Chaton (alto), Maxime (clarinette) et Camille (violoncelle), Louis Warynski (violon) est porteur d’un concept intéressant mélangeant musique classique et électronica, chacun des musiciens pouvant passer sur pad, synthé, boite à rythme, etc. à tout moment. Cette aventure sonore dans un monde irréelle marqué par cette magie du mariage entre l’acoustique et l’électronique sous le signe de la « French Touch », fascine immédiatement notamment par les paysages mélodiques et apaisés de Grand Artica soufflant un vent de fraicheur bienvenu. On pense un peu à Einaudi et ses belles nappes de cordes qui s’étendent à l’infini, mais les sections rythmiques jouent les trouble-fêtes relevant le plat à coup de circuit imprimé.
Les Métamorphoses Du Vide ouvrent quant à elles une belle petite boite à musique Tiersenienne à l’instar de ce que fait parfois Ez3kiel. A ces derniers on ne peut s’empêcher non plus de penser lorsqu’on arrive sur Triad For Two ou Tea Tea Tea dont les atmosphères électroniques évoquent des paysages similaires à Stereochrome (Lux), cette fois perturbées par des cordes revanchardes voulant garder leur mot à dire. Le minimalisme est de mise aussi, s’exprimant pleinement dans La Guerre Des Nombres hypnotique, progressif et inquiet, théâtre d’un ballet d’une étrange beauté entre impulsions numériques et ondes analogiques.
Une des gemmes du dernier album est bien i_o qu’ils interprètent vers la fin. Tintement de cloches pink floydiennes (Time), suspens industriel presque funky, motifs en pizz, grande nappe mélodique de cordes et pont au glockenspiel se succèdent et s’entremêlent pour aboutir vers un final jubilatoire à la Dan Deacon (Sheathed Wings). L’autre joyau est ce très bel hommage à la scène du tableau de Carlotta Valdes dans le film Vertigo (Hitchcock) reprenant dans une grande première section le thème de la bande originale se transformant soudain en un magique panorama psychédélique.
Fou, le Chapelier l’est certainement, et c’est bien comme ça, car on aimerait qu’il en existe un peu plus pour nous emmener au pays d’Alice.
Quant à ceux qui suivent, et bien cela fait des mois que l’on se passe leur dernier album, Rituals en boucle dans notre rayon. Et vu le monde qui débarque, je crois que nous n’étions pas les seuls… Je vais de nouveau devoir prendre mes photos depuis un seul point…
Ce qu’on peut dire des américains d’Other Lives, c’est qu’en quelques opus ils se sont très vite hissés dans les sommets de la pop atmosphérique où siégeaient jusque-là d’illustres représentants comme Radiohead ou Coldplay qui depuis ont relancés leurs explorations vers d’autres contrées musicales. Leur dernière production, Rituals apparaît bien plus épurée et colorée que Tamer Animals, pourtant un véritable chef d’œuvre folk, déjà acclamé à l’époque. Mais ils voulaient écrire quelque chose de plus dansant et brillant, se rapprochant plus de l’écriture classique. Une vraie promesse d’un moment de grâce absolue qui se réalise dès Reconfiguration entrainant et mystérieux. Les instruments sur scènes sont bien étoffés pour diffuser les multiples atmosphères sonores : batterie, timbales, violon, trompette, guitares et claviers. Easy Way Out, As I Lay My Head Down, Landforms, Desert, semblent s’écouler naturellement entrainant les festivaliers toujours plus loin dans la stratosphère. Cheveux aux vents les musiciens sur un petit nuage donnent tout ce qu’ils ont, presque surpris de trouver autant de fans à l’autre bout du monde. « We love you all ! You’re wonderful ! » scande Jessie Tabish achevant d’enflammer le public en transe.
Un des petits secrets de leur musique c’est l’utilisation du minimalisme qui au travers de la répétition de simples motifs, voire de fragments pousse cette musique hors de la tradition narrative, plongeant l’auditeur dans une introspection. Dans la musique classique, Terry Riley (In C) auprès duquel on retrouve Steve Reich (Music for 18 Musicians) et Philippe Glass, avait été un des premiers en occident à utiliser cette technique voulant créer un effet hypnotique par les redondances et collisions rythmiques. Le minimalisme influença ainsi quasiment toute la musique actuelle se diffusant aussi dans les courants de l’électronique, du rock ou du jazz et ici de la pop. Poussé à une contemplation quasi impressionniste (Jessie a révélé avoir grandi en écoutant Debussy, Satie et Stravinsky notamment), on se retrouve devant un tableau animé avant de se rendre contre que c’est un miroir, le miroir de sa propre âme.
Pattern est un de ces morceaux magiques, véritable effervescent pour l’esprit, libérateur et exploratoire, illustrant pleinement ce propos avec sa pulsation rythmique obstinée (à la manière d’In C – Terry Riley ou Baba O’Riley – The Whos) sur laquelle s’enlacent de splendides strates mélodiques répétées soutenant la voix suave de Jessie, semblant surfer à la surface.
Terminant avec Dust Bowl III, très folk, les musiciens referment une parenthèse hors du temps ayant fait battre les cœurs au même tempo. Rdv avec Other Lives à nouveau à Fribourg en novembre à Fri-Son !!
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