As tu déjà lu des histoires d’une personne à qui tu aimerais demander un scénario pour l’illustrer ?
Oui mais je serais frustré. Je suis pas un illustrateur. Pour une commande, ça va. J’aime écrire les scénarios même si j’ai beaucoup de difficultés. J’y tiens !
Et tu serais tenté d’écrire un scénario pour quelqu’un ?
Oui, ça me tenterait mais j’ai tellement de difficulté à écrire mes propres scénarios que quand j’arrive à une idée qui me plaît, je ne veux pas la vendre à qui que ce soit (rire). Si c’était plus facile, j’aimerais bien faire ça.
Comment travailles-tu tes couleurs ?
J’utilise de la gouache. Je réfléchis beaucoup lorsque j’utilise la couleur. Je me base plus ou moins sur les théories de Joanès Itten qui était un graphiste, un grand professeur du Bauhaus. Il a développé une théorie de la perception de la couleur selon laquelle nos perceptions sont “comparatives”. On perçoit toujours un élément par autre chose. On ne peut pas parler de lumière sans se référer à l’obscurité. Si par exemple on prend un gris neutre et qu’on le place sur un fond jaune, ce gris a l’air de tourner au violet parce que le violet est la couleur complémentaire du jaune. Par exemple, pour « Saïgon Hanoï » qui est très jaune, on peut avoir l’impression de voir des plages violettes, mais c’est faux, au mieux ce sera du gris. L’effet est voulu.
As tu eu des surprises lors de l’impression de tes bandes dessinées ?
Oui, toujours. Mais là c’est pathologique (sourire). Sur les bons à tirer je commence à transpirer (rire).
Il y a une omniprésence de la neige dans tes histoires, entretiens-tu un lien particulier avec cet élément ?
Bien sûr, j’adore la neige. Au point de vue du dessin, je trouve très intéressants les paysages de neige, parce qu’en général les plans horizontaux disparaissent et on ne voit plus que les plans verticaux. C’est comme une interprétation du paysage.
Ce qui me fascine, c’est qu’on peut ne pas dessiner la neige. Beaucoup de dessinateurs s’évertuent à le faire, mais moi je trouve cela beaucoup plus drôle de ne pas la dessiner, puisqu’on travaille sur du papier blanc ! Je dessine simplement le rocher, le sapin, le personnage, et l’ombre bleue qui donne des indications sur la neige. Je trouve cela très symbolique très spirituel.
Tu l’as démontré avec la couverture du tome 2 » A la recherche de Peter pan »..
Oui. J’estime, encore aujourd’hui, que c’est d’ailleurs la meilleure couverture que j’ai réalisée. J’ai dû me battre pour la faire accepter par l’éditeur. Il me disait : »C’est très beau, tu es un artiste, mais c’est invendable ». Je me suis vraiment battu pour cette couverture et j’ai bien eu raison.
En moyenne, tu passes combien de temps sur une planche ?
Pour le dessin, trois jours.
Au niveau professionnel, quel aura été ton plus grand défi ?
J’en vois deux :
« Être publié dans un journal » et « Avoir un album ». Pour moi, c’étaient vraiment LES grands défis. Ça n’est pas de la modestie, c’est sincère, car je ne fais pas partie des gens qui sont doués de naissance et qui dessinent facilement. Mais si vous pensez le contraire, ça veut dire que je le cache bien (sourire).
Et ta plus grande joie professionnelle ?
Je pense que c’est mon premier album. Le premier “Jonathan”.
Que penses-tu de la production de bandes dessinées actuelles ?
J’aime énormément « Socrate le chien » de Blin. J’ai adoré lire le « Peter Pan » de Loisel, « Le cahier bleu » de Juillard, les carnets de Sfaar. Dans les mangas, j’aime bien Taniguchi.
Quel conseil donnerais-tu à un jeune dessinateur qui veut se lancer dans la B.D.?
J’en donnerai deux qui semblent contradictoires. »Ne pas avoir peur de s’inspirer de ceux qu’on aime », donc copier les dessinateurs qu’on aime serait le premier. En même temps, il faut chercher ce qu’on a à dire et que les autres ne peuvent pas dire eux-mêmes.
Tout le monde n’est pas auteur complet, mais ça reste valable dans tous les cas. Si un jeune dessinateur cherche un scénariste, il doit chercher ce qu’il a à dire en dessin, tout en s’inspirant de ceux qu’il apprécie. Lorsqu’on aime quelque chose, c’est parceque cela s’approche de ce qu’on est. Copier certains dessinateurs c’est se retrouver, en quelques sortes. En tout cas on apprend beaucoup.
Donc, il faut bien étudier ce que l’on apprécie et chercher son terrain, son plaisir.
Si tu étais un personnage de B.D. Lequel serais-tu ?
Tout dépend… Celui que je souhaiterai être, ou celui que je me sens être ?
Je souhaiterai être le Marsupilami mais je me sens être Jonathan. Un lecteur m’a dit « Jonathan c’est la version customisé de son auteur » (rire). Moi, je pense que je suis l’ombre de Jonathan, sa face sombre.
Merci. Continue de nous faire rêver avec tes albums !
Merci, je m’y efforce mais c’est pas si facile.