Entre longs soupirs, envie de dormir et parfois même rires, les 2h34 d’Enter the Void ont pour la plupart des spectateurs été un véritable calvaire. C’est du moins l’atmosphère qui régnait dans la salle 4 des Galeries en cette chaude nuit de fin juillet. Sur la vingtaine de spectateurs présents seulement 3 ou 4 personnes ont apparemment réussi à entrer dans le vide sublimé proposé par ce film. Plus tard, la sortie du cinéma résonnait de critiques, d’exclamations, de haussements de voix et aussi de déceptions. Mais quoi qu’il en soit et quoi qu’on en ai pensé, personne ne pourra nier qu’Enter the Void est une véritable expérience cinématographique.
En plein cœur d’un Néo-Tokyo hypnotisant de néons, Oscar vit dans un 20m² crasseux avec sa sœur Linda, sulfureuse strip-teaseuse des bas-fonds. Lui est dealer sans se l’avouer et doit (bien entendu) des comptes à son fournisseur, un jeune fils à maman à qui on a oublié de greffer correctement ses attributs masculins. Tout commence alors dans ce bar glauque, où Oscar va rembourser ses dettes pour s’offrir une vie meilleure, à lui et surtout à sa sœur avec laquelle il vit une relation fraternelle fusionnelle. Mais comme vous l’aurez deviné, rien ne se passe comme dans un blockbuster hollywoodien et tout part en vrille sans une once d’avertissement préalable. Alors si ce début basique vous fait déjà soupirer d’ennui, c’est que vous êtes dans la bonne direction pour apprécier ce film. Car à partir de cet instant précis, l’histoire bascule (dans tout les sens du terme) dans un voyage rédempteur et salvateur à travers une ville que l’humanité à délaisser au profit des arrivistes et des vices en tout genre. La surface s’efface au loin et la noirceur nous entoure petit à petit.
Et la noirceur, Gaspard Noé il l’aime, il la chérie plus que tout. Car c’est là qu’il trouve ce qui subsiste d’humanité en chacun de ses personnages, c’est dans ces moments les plus sales, les plus répugnants et destructeurs que se révèle notre vraie nature. C’est ce que Noé s’ai fixé comme but, trouver le beau dans le sale et dans l’insupportable. Réflexion déjà farfouillée dans Seul contre tous et Irréversible, elle trouve dans Enter the Void la place nécessaire à son extension, à son développement.
Ne vous attendez donc pas à passer un moment agréable avec votre nouvelle conquête, au fond d’une salle obscure. Car en plus de la lourdeur du fond, la forme ne vous laissera pas en reste, elle ne vous lâchera pas une seule minute. Du badtrip vertigineux aux flashs épileptiques, en passant par l’exploration interne des parties intimes féminines et les flottements à vous faire vomir, ce film vous marquera au corps d’abord, avant de faire des va-et-vient avec vos méninges.
Et c’est là que réside tout le génie de ce métrage: allier le fond et la forme à la perfection pour arriver à créer une réaction sensorielle nouvelle, nouvelle car imposée. En effet, Enter the Void ne veux pas vous mettre dans sa poche. Il veut vous impliquer, vous faire vivre les événements. Et c’est je crois sur ce point que la différence d’appréciation se fait. Soit, on accepte le pacte que Noé nous propose et on vit le film, soit on le refuse et on subit le film. C’est de cette manière qu’Enter the Void peut devenir une expérience inédite, dans le sens où il nous implique sans barrières dans l’intrigue, aussi indigeste soit-elle. Rares sont aujourd’hui les films capables d’accomplir ce challenge, de revenir aux racines même de l’art. Et c’est pourtant ce que Noé a réussi ici. Aimer ou détester une œuvre, là n’est pas vraiment la question. Le but de l’art est de faire réagir, de faire ressentir, d’émouvoir. Dans cette optique, Enter the Void mérite d’être considéré comme une œuvre d’art à part entière, une œuvre d’art personnelle d’un artiste sans compromis.
Pour faire bref, je rangerai volontiers Enter the Void entre 2001: l’odyssée de l’espace et Salò ou les 120 journées de Sodome et le chérirai sans complexes jusqu’à ce que mes tripes n’en puissent plus et que mon cerveau se déconnecte.
PS: Votre humble serviteur ne vous a ici donné qu’un avis personnel et vous invite chaleureusement à tenter ces 2h34 qui je l’espère vous marqueront d’une manière ou d’une autre.
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